Chapitre: PHYSIOLOGIE DU DANDYSME
(1) Jacques Boulenger Ч .c.s- dandys mann-Lvy 1933 {Nouv. coll. historique) Sous Louis-Philippe Ч Paris Ч Cal-Ч p. 19.SIMONE FRANOIS.
LE DANDYSME ET MARCEL PROUST DE BRUMMELL AU BARON DE CHARLUS.
Chapitre 1. PHYSIOLOGIE DU DANDYSME
Un dieu vaincu, de l'homme imite les travaux (Jean Cocteau Ч Allgories)
Le gnie du pole et du romancier prte certains personnages littraires un exceptionnel pouvoir de sduction qu'ils exercent sur le grand public ou sur les cnacles, donnant aux lettres leur moyen d'action le plus direct et le plus efficace sur les murs. Cependant, ces tres de fiction ne sont pas de pure imagination; ns dans l'atmosphre d'un temps auquel ils empruntent une faon d'tre, de sentir et de penser, ils s'apparentent d'avance aux esprits qu'ils vont convertir. D'une gnration l'autre, les hros l'image desquels se conforment tant d'admirateurs dont tout l'idal esthtique et moral se concrtise en eux, s'engendrent ainsi par une sorte de filiation qui est un sujet d'tude constant pour l'histoire littraire. D'ailleurs, mesure que se dveloppe son auditoire, la littrature multiplie les modles humains qu'elle propose ; mais le secret de leur pouvoir est invariable, il rsulte d'une pntration rciproque des valeurs esthtiques et des valeurs morales qui s'appuient mutuellement de leurs prestiges confondus.
Parmi les modles qui rgnrent sur le dix-neuvime sicle, le dandy nous apparat comme l'un des plus concrets et des plus ralistes. Sa force proslytique a pu rallier les esprits les plus racs et les mieux dous d'une socit naturellement individualiste. Pareil succs ne peut s'expliquer que par les satisfactions intellectuelles et sociales que recueillaient les tenants d'un mode de vie suffisamment labor pour apporter aux problmes des relations humaines et de la conscience des solutions cohrentes sinon toujours commodes.
Le dandysme n'a pas de dfinition simple. Assez lmentaire ses dbuts, il volua vers des formes difficiles et raffines qui le mirent progressivement au niveau de personnalits d'une incontestable valeur. Mais les diffrences, pourtant profondes, qui sparent le comportement d'un Brummell de celui d'un Montesquieu laissent subsister, sous une multiplicit d'aspects, certaines lignes gnrales. Elles servent caractriser, pour le sens commun, la signification du dandysme. Nous allons essayer de les recenser, de les grouper en une dfinition provisoire et gnrique, sorte d'hypothse de travail que nous pourrons ensuite retoucher, en prcisant les contenus successifs du vocable.
(1) Dictionnaire de l'Acadmie franaise Ч 2 vol. - 8e d. Ч Paris Ч
Hachette 1932-1935.
(2) Hatzl'cld, Darmestetcr et Thomas Ч Dictionnaire gnral de la langue
franaise Ч 2 vol. Ч Paris Ч Delagrave 1890-1900.
Puisqu'il s'agit de sens commun, ouvrons d'abord les dictionnaires. Celui de l'Acadmie franaise (1) est des plus laconique : dandy, mot emprunt l'anglais, dsigne un homme qui se pique d'une suprme lgance dans sa toilette et dans ses manires. Quant au dandysme, il n'est que l'ensemble des manires et habitudes du dandy. Le dictionnaire de Hatxfeld (2) nous apprend que l'Acadmie n'avait accueilli qu'en 1878 ce nologisme, venu d'Angleterre. Pour lui aussi, d'ailleurs, le dandy n'est qu'un elgant la mode. Mais que sait-on outre-Manche de l'origine du mot ? Le New english Dictionary de Murray (1) nous renseigne : origin unknown. Il ajoute cependant que le mot tait employ en Ecosse au dix-huitime sicle et que sa vogue, Londres, date des annes 1813 1819. Pour les Londoniens, le dandy s'identifiait l'Ђ exquisite ї, au Ђ swell ї, personnages que le franais qualifie indiffremment de raffins ou de gommeux. Constatons que les dfinitions prcdentes dbordent peine du cadre troit de l'lgance vestimentaire, l'allusion des attitudes sociales caractristiques y reste vague.
Dans Littr, cette restriction du sens du dandysme est encore plus sensible. Comment s'en tonner ? Termine en 1872, cinq annes aprs la mort de Charles Baudelaire, l'impression de ce dictionnaire avait t entreprise en 1859, l'anne mme o fut commenc Mon cur mis nu. A ce moment, Littr ne pouvait mesurer l'importance de la transformation par laquelle le dandysme venait de s'instituer en discipline intellectuelle et morale. Aussi bien ne pouvait-il prvoir l'influence que l'avenir rservait cette nouvelle tendance. Pourtant, dans les lettres, cette volution avait t consacre par l'tude de Barbey d'Aurevilly Du dandisrne el de Georges Brummell parue en 1845 et par une srie d'articles sur Le peintre de la vie moderne que Baudelaire avait donns au Eigaro en 1863. Mais c'tait l uvres de moralistes, d'esthtes, de polmistes mme et non pas d'historiens. Littr, le patient philologue, le disciple austre d'Auguste Comte que les arcanes du dandysme ne devaient gure sduire, ne pouvait s'y attarder.
Moins explicable est la mconnaissance, par Littr, de l'essence mme du dandysme telle que ses formes les plus anciennes la rvlent dj. Pour lui, le dandy est un Ђ homme recherch dans sa toilette, exagrant les modes jusqu'au ridicule ї. Dfinition qui vaut condamnation
(1) James Murray Ч Ћ пси' cntjlisli dictionary on liixlorical principles Ч Oxford Ч Clarendon Press 1884.
puisqu'elle refuse au dandy l'originalit et le reprsente en esclave servile des outrances de la mode. Des extraits cits par Littr retenons cette phrase de Frdric Souli : Ђ Ses babits uss et fltris taient taills selon la mode la plus lgante et annonaient un de ces dandys furieux tomb rapidement d'un luxe dissipateur dans une extrme misreї et cette phrase de Balzac ЂA l'incroyable, au merveilleux, l'lgant, ces trois hritiers des petits matres, a succd le dandy, puis le lion ї. Balzac, dont on ne saurait mettre en doute la comptence en matire de dandysme, indique ici une de ces filiations dont nous parlions plus haut. Mais cette phrase Ч comme le dmontre suffisamment l'ensemble de l'uvre balzacienne couvre en ralit une conception du dandy plus large que celle de Littr, conception non pas abstraite et idale comme celles de Baudelaire, d'Aurevilly, Huysmans, Mallarm et d'autres, mais raliste et concrte, ne d'une observation pntrante des dandys d'une poque.
Reste le Larousse du XX∞ sicle. Nous y trouvons l'article Ђ dandy ї une dfinition plus prcise et plus complte que celle des autres dictionnaires. Nous la reproduisons ici : Ђ On appela dandys, pendant le premier tiers du dix-neuvime sicle, un groupe de jeunes gens appartenant la plus haute socit anglaise et formant une sorte d'association tacite qui s'attribuait le droit exclusif de donner le ton et de rgler la mode en toutes choses, mais surtout en matire de toilette. Le dandysme est fait de flegme, d'impertinence polie et de got. Georges Brummcll, dandy clbre, disait : pour tre bien mis il faut ne pas tre remarqu. Brummell exera une grande influence sur Bvron, dandy lui-mme ї. A l'inverse de certains qui, nous le verrons, s'ingnient dplacer les bornes chronologiques pourtant prcises du dandysme, le Larousse entend ne considrer que la version anglaise du phnomne qu'il enferme dans une priode de trente annes commenant avec le dix-neuvime sicle. Comme le dictionnaire de Murray nous enseigne que la vogue du mot dandy date de 1813 environ, il faudrait admettre que le Larousse se rfre l'esprit du dandysme plutt qu' sa lettre. Mais, dans ce cas, comment peut-il ngliger ses dveloppements ultrieurs, aprs 1830, alors que son succs littraire aura pris son vritable essor ? Relevons enfin que le Larousse attribue la haute aristocratie le privilge du dandysme Le cercle d'altesses o volua Georges Brummell est certainement l'origine de cette conception simplifie qu'on ne saurait appliquer au dandysme anglais tout entier (Brummell lui-mme n'tait-il pas de condition bourgeoise ?), moins encore au dandysme franais. Pour ce dernier, il semble mme qu'on pourrait sans peine renverser cette affirmation et le considrer comme un essai, aprs la Rvolution, de reconstituer une aristocratie partir d'autres valeurs que, celles de la naissance.
Pour achever de dterminer la signification courante des mots dandy et dandysme, consultons encore certains critiques qui se sont intresss au problme. Jules Lemaitre, dans Les Contemporains (1), porte sur les dandys le jugement svre d'un esprit pntr des hirarchies reconnues. Il leur reproche leur paradoxale chelle des mrites : Ђ C'est aux choses qui ont le moins d'importance que le dandy se pique d'en attacher le plus et cette vue volontairement absurde du monde, il arrive l'imposer aux autres. Il russit faire croire la partie oisive et riche de la socit que d'innover en fait d'usages mondains, de conversations lgantes, d'habits, de manires et d'amusements, c'est aussi rare, aussi mritoire, aussi digne de considration que d'inventer et de crer en politique, en art, en littratureї. Ce jugement moral rirougeux nous parat bien manquer son but car il fait endosser au dandy la responsabilit du snobisme grce auquel son jeu rencontre, dans la socit du temps, l'admiration crdule des esprits superficiels. D'ailleurs, peut-on soutenir que cette douteuse faveur ait t le seul mobile de l'attitude d'un Baudelaire, d'un Poe, d'un Wilde ? Peut-on ignorer que
(1) Jules Lematre Ч Les Contemporains Ч Etudes et Portraits Ч 4c srie Ч 4Ђ d. Ч Paris Ч Soc. franaise d'imprimerie et de librairie Ч 1897.
ces grands dandys le furent par la vertu d'une vision la fois raliste et dcevante de la destine ? Les formes suprieures du dandysme, sous-tendues par l'effor,t vers un perfectionnement personnel, prsentent assurment tous les caractres d'une morale authentique. Ce comportement, par Lematre qualifi d'absurde, nous rappelle trangement cet autre Ђabsurdeї autour duquel Camus a bti sa philosophie. Il semble bien que l'image de Brum-mell et de sa coterie ait, ici aussi, bloui et drout le critique. Reconnaissons cependant Jules Lematre la subtilit avec laquelle il a mis en vidence le mystre fondamental par lequel le dandy s'impose son poque : Ђ II communique ї, dit-il, Ђ des menus signes de costume, ї de tenue et de langage, un sens et une puissance qu'ils ї n'ont point naturellement ї. Qui ne voit que cette phrase formule prcisment le principe mme de tout art et plus spcifiquement du thtre ? Ce dtracteur du dandysme s'en aperoit d'ailleurs suffisamment lorsqu'il prononce que Ђ le dandy est trs rellement un artiste sa manire ї. Tel est aussi l'avis d'Ernest Seillire qui son tude sur Barbey d'Aurevilly a donn l'occasion d'esquisser une psychologie du dandysme. Historien du romantisme, Seillire n'a pas manqu de souligner les correspondances profondes qui rattachent les deux mouvements. Pour lui, Ђle dandysme, c'est tout simplement... le culte romantique du moi, l'gotisme, si bien fondu avec le mysticisme ї esthtique... que dsormais le moi lui-mme devient ї l'uvre d'art dont le dandy mettra tous ses soins ї faonner le galbe parfait ї (1). Mais cette uvre, Seillire la dit sans gnie et rserve ceux qui, Ђ inhabiles ї la vritable production artistique ou, comme Barbev, ї n'y rencontrant pas le succs qu'ils rvent, cherchent ї ailleurs un point d'appui pour leur insatiable apptit ї de supriorit ї. Impuissance et vanit frustre ! A quel triste rle de fat et de vellitaire le dandy se trouve-t-il rduit par cet impitoyable critique ! Oserions-nous dire que les psychologues, dans leurs explications des gestes des hommes, nous ont dj accoutums ces dsillusions ? Mais aussi cette dmonstration nous apparat-elle un peu comme un sophisme. Il nous sera donn plus loin de revenir au problme de l'interprtation psychologique du dandysme.
Dans une tude trs documente sur les murs et les modes de 1830 1818, qu'il intitule Les dandys sous Louis-Philippe, Jacques Boulenger fait l'historique du dandysme depuis Georges Brummell. Constatant que Barbey d'Aurevilly a enrichi le mot dandy d'un contenu qu'il n'avait pas l'origine, il rclame qu'on lui conserve le sens qu'il avait sous Louis-Philippe. Pour dfinir ce sens, le critique fait appel la notion de snobisme. Le dandysme serait une sorte de snobisme invers, libr des hypocrisies et des angoisses qui l'accompagnent gnralement et le ridiculisent. Avec le dandy, nous dit-il, Ђ le ї snobisme cessa d'tre honteux; il s'en orna, il le vanta. ї C'est justement cause de cela qu'il cessa de l'tre. Il ї n'imita plus : il innova au contraire; loin d'obir la ї mode, il la commanda. Et ce snobisme conscient, voulu, ї outr, qui se dpasse lui-mme et devient comme un ї sentiment nouveau, c'est le dandysme ї (1). Nous croyons que l'usage tabli ne permet plus de limiter chronologiquement le dandysme comme le fait Jacques Boulenger; ou bien faudrait-il qu'un antre terme puisse s'imposer pour combler la lacune ainsi cre dans le vocabulaire. Mais il reste que le rapprochement entre snob et dandy parat judicieux et mme suffisamment solide pour subsister en dehors des limites troites o l'auteur l'a conu.
Ce critique souligne, d'autre part, le sens nouveau dont le dandysme fut enrichi par Barbey d'Aurevilly. Dans l'histoire des lettres ce rle de novateur, d'ailleurs partag par Baudelaire, parat incontestable et l'influence des
(1) Ernest Seillire Ч Barbey d'Aurevilly Ч Taris Ч Bloud et Cie 1910 - p. 64.
(1) Jacques Boulenger Ч .c.s- dandys mann-Lvy 1933 {Nouv. coll. historique) Sous Louis-Philippe Ч Paris Ч Cal-Ч p. 19.
deux crivains Ч celle de Baudelaire surtout Ч sur les gnrations suivantes explique seule la vitalit dont bnficia le dandysme. Pourtant, dans l'histoire des murs, le mme rle ne peut leur tre attribu. C'est dans la socit mme qu'eut lieu cette mtamorphose. Vers 1830, des tendances trs proches du dandysme intellectuel se faisaient jour parmi la jeunesse. Tandis que les bousingots, romantiques tapageurs et dmocratiques, peuplaient les ateliers, leurs demi-frres, les Ђ fashionables ї mules du Byron de Don Juan, promenaient dans les salons le dsenchantement raffin et le cynisme corrompu que leur matre, quinze ans plus tt, avait propos l'admiration de la socit londonienne.
Ђ Musset aprs Byron et tous aprs Musset ї (1) se rclamrent de la mme philosophie sceptique et dsespre. La souffrance, la tombe et le nant contredisaient en eux des sentiments chrtiens inexprims et, les portant la rvolte, les dterminaient l'attitude dsinvolte et ricanante des anges dchus. Nombre de potes, parmi lesquels Thophile Gautier, Flix Arvers et Arsne Houssaye ralisrent ainsi, dans les premires annes de leur vie littraire, la fusion du dandysme et du byronisme. Bien que Barbey fut de deux ans l'an de Musset, ni lui ni Baudelaire, trop jeune, ne furent mls ce groupe. Mais leur jeunesse fut toute imprgne de cette mtaphysique du mal. Elle a pass dans leurs uvres aprs avoir reu la marque de leur personnalit. Celle de Baudelaire le disposait d'ailleurs singulirement devenir le promoteur de la doctrine sotrique qu'il allait codifier.
Abordons maintenant l'examen des ides de Baudelaire et de Barbey sur le dandysme. Elles sont assurment d'ordre esthtique et moral plutt qu'historique et se prsentent comme une dfense de parti pris d'une rgle de vie que les deux crivains avaient rsolument adopte. Elles sont cependant la principale et peut-tre la seule source du peu de littrature critique qui s'est constitue autour du dandysme. Celui-ci y apparat comme une thique spiritualiste qui n'est pas sans parent avec le stocisme et certaines morales orientales du dtachement : mme souci des attitudes du corps et de l'esprit rendues solidaires, mme aspiration se dfaire du fardeau de l'apparence sociale, de l'obsession de l'opinion d'autrui. Pour Baudelaire le dandy, adepte Ђ d'une espce de religion ї aussi difficile, aussi despotique que Ђ la rgle monastique la plus rigoureuseї (1), s'gale au saint et au hros. On sait que ces trois modles, invariablement confondus, interviennent chaque fois que le pote, dans ses carnets intimes, se prescrit les rgles de conduite qui doivent rformer son existence douloureuse.
La morale du dandy conjugue intelligence et volont; sa lgitimit ne se comprend que par ceux qui pntrent les mcanismes sociaux et ceux de leur propre cur. Elle suppose une double dmarche, analyse lucide d'abord, raction de fiert, de pudeur et de rvolte ensuite :
Ч Ah ! Seigneur ! donnez-moi la force et le courage De contempler mon cur et mon corps sans dgot !
L'aboutissement de cette manire d'asctisme est Yim-passibilit, obtenue lorsque les passions vulgaires sont matrises sans retours ni dfaillances. Rserve glaciale, capacit de n'tre jamais tonn o demeure cependant cette lueur de sociabilit, l'impertinence, qui rvle Ч contre toute apparence Ч une proccupation secrte de modifier les hommes. Jsus lui-mme n'a-t-il pas dit qu'il faut tre objet de scandale?
Il y a peu de diffrences sur le plan doctrinal entre le dandysme de Baudelaire et celui de Barbey. Mais le Ђ Conntable des lettres ї apporte souvent la dfense de ses ides une outrance qui leur fait tort. Moins crbral et plus fantaisiste que Baudelaire, il ne russit pas comme lui soutenir la rigueur de sa pense. Son personnage
(1) Roger de Beauvoir 1837 Ч p. 245.
cape et l'pce. Paris Ч Suau de Varennes
(1) Charles Baudelaire Ч L'Art romantique Ч Paris Ч p. 7l.
inspire d'ailleurs plus de sympathie que de respect. Retenons l'importance qu'il donne la vanit, Ђce mouvement charmant du cur humain ї, non pas la vanit satisfaite, mais Ђ la vanit anglaise qui s'appuie sur quelque chose d'inconnu en Franceї. De mme, la fantaisie Ђqui n'est permise qu' ceux qui elle sied et qui la consacrent en l'exerantї (1) doit-elle tre considre comme l'un des attributs du dandy. Vanit et fantaisie, Baudelaire, avec son sens habituel de la notion juste, les remplace par l'originalit.
Arrtons-nous ici dans ce rpertoire sommaire des opinions les plus significatives sur le dandysme. En les runissant et en les commentant nous n'avons cherch, rappelons-le, qu' dgage'r cette dfinition provisoire et de sens commun indispensable la poursuite de notre travail. Nous la constituerons de deux parties distinctes. Dans la premire nous noncerons deux caractres fondamentaux Ч conditions ncessaires pour user du langage mathmatique Ч auxquels nous semblent rpondre toutes les formes de dandysme. Dans la seconde, nous essayerons de formuler les rgles qui dirigent les dandys, leur ensemble tant la fois condition ncessaire et suffisante pour dterminer la qualit de dandy. Enserres par ces deux moyens logiques complmentaires, les notions de dandy et de dandysme que nous voulons approcher nous apparatront avec clart. Commenons par les deux caractres essentiels du dandysme en gnral.
CARACTERE PREMIER Ч Le dandysme est un mouvement dont les tenants se sont efforcs d'observer avec rigueur un ensemble de rgles de comportement (2).
A ces rgles, la personnalit proprement dite peut donc chapper et avec elle les domaines intimes de la croyance,
(1) Barbey d'Aurevilly Ч Du dandysme et de Georges Brummell Ч Lausanne Ч Mermod 1945 Ч p. 70.
(2) Nous utilisons ici l'opposition personnalit Ч comportement habituelle en psychologie.
de la philosophie et de l'opinion. L'athisme et la foi, le jacobinisme et la droite nationaliste n'ont-ils pas compt des dandys clbres? Barbey adhra successivement, avec la mme force, des convictions mtaphysiques et sociales antagonistes. Baudelaire, malgr sa haine de la Ђ canaille ї (Vous figurez-vous un dandy parlant au peuple, except pour le bafouer?), malgr sa faveur pour l'Ancien Rgime (II n'y a de gouvernement raisonnable et assur que l'aristocratique), a port la cravate sang-de-buf en 1848 et collabor en 1851 La Rpublique du Peuple, almanack dmocratique. Balzac, qui fut dandy ses heures, connut aussi ces revirements. Si Musset se dtourna de la politique active, Disraeli, dandy notoire, fut l'un des grands hommes d'Etat de l'Angleterre victorienne. Il en va de mme des valeurs intellectuelles et morales, elles non plus ne sont relies au dandysme par aucun lien spcifique. Des tres creux et infatus comme Brummell, de redoutables arrivistes comme Henri de Mar-say ou Julien Sorel sont les frres en dandysme d'esprits superbement cultivs comme Wilde ou des Esseintes, de consciences scrupuleuses comme Poe ou Baudelaire.
On nous objectera pourtant que le comportement ne peut laisser de retentir sur la personnalit, que Pascal comptait sur les signes extrieurs de la dvotion pour incliner la pit. Nous le reconnaissons, il s'agit l d'une influence rebours : opter pour une manire de vivre, c'est s'engager dans la voie d'une transformation de soi-mme. Cependant ce mcanisme, s'il peut dterminer certaine communaut d'esprit entre les dandys, leur laisse encore de grandes latitudes. Car le choix des Ђ ajustements ї qu'ils feront subir leur personnalit pour obtenir le comportement qu'ils ambitionnent ne leur est pas impos.
Ecartons ici un possible malentendu. Que le dandysme ne puisse se dfinir en termes de personnalit ne signifie point que certaines de ses formes particulires Ч et nous pensons aux plus tardives Ч n'aient eu, chez ceux qui les ont illustres, un fondement moral ou esthtique qu'ils ont construit leur mesure. Tel fut le cas notamment du dandysme baudelairien et de ses adeptes. Mais le principe de notre dfinition, procdant du sens commun, nous interdit d'y accepter des critres qui ne pourraient s'appliquer sans distinction tous les aspects du dandysme. Aussi n'tablirons-nous de rapports directs qu'entre dandysme et comportement, rservant l'intervention de la personnalit pour caractriser les formes du dandysme qui le justifieraient.
CARACTERE SECOND Ч Les rgles du comportement dandy sont d'ordre gnral.
Entendons par l que leur code ne dispose pas du dtail de la conduite, qu'il trace le cadre o chacun se doit d'innover selon son talent personnel. Adopt librement par le dandy qui n'a d'autre juge que lui-mme, il consacre son indpendance absolue et fait droit ses revendications individualistes imprieuses. Le rle de la personnalit se retrouve ici : elle s'exprimera par l'interprtation qu'elle devra fournir de la rgle gnrale. Ainsi les disciples dociles sont-ils carts de la dignit qu'ils convoitent; esclaves de la lettre d'une mode passagre, ils ne saisissent pas l'esprit de l'idal qu'ils prtendent partager. Jamais le vrai dandy ne se faonne quelque servile ressemblance.
Avant de complter notre dfinition et de donner les rgles fondamentales du dandysme, nous voudrions prciser la perspective dans laquelle nous les avons cherches, ceci pour nous justifier du reproche d'arbitraire qu'on pourrait nous adresser quant leur choix.
Il n'entre pas dans le cadre de notre tude de mettre en vidence le mcanisme psychologique qui dtermina l'adhsion de certaines individualits l'thique dandy. D'ailleurs, nous ne croyons pas qu'il existe une catgorie psychologique o puissent se classer tous les dandys, ni que les causes de cette adhsion soient pour tous identiques. A ce sujet, nous reproduisons ici la dfinition du dandy Ђ franais ї par le critique allemand Gustav Koebler. Collectionnant les attributs du dandy pour les encadrer d'une interprtation freudienne Ч nietzschenne, elle est caractristique d'un type de dfinitions dites Ђ par enumeration ї et runit assez bien tous les dfauts qu'on leur reproche en gnral : Ђ Le dandy franais se prsente, ї dans la littrature franaise, comme un homme dou ї d'une riche sensibilit et d'un fort apptit de puissance, ї qui, de l'impatience romantique et de l'gocentrisme ї anarchique de sa jeunesse, par le dsenchantement et ї l'analyse dissolvante, grce son instinct de puissance, ї aboutit l'isolement et un nihilisme que non seulement il mle la vie mais encore accepte et approuve ї pour triompher devant lui-mme et devant le inonde ї et pour dominer les autres et lui-mme par apptit du ї pouvoir, volont de puissance, romantisme de la force ї qui s'expriment par une jonglerie de dilettante avec les ї valeurs de la masse (cynisme, got du paradoxe, perversit), par un sadisme crbral (sduction, ironie, mystification), par un sadisme l'gard de soi-mme ї (Flaubert), par la rvolte contre la socit (dsenchantement, amoralismc, gracieuse impudeur) ї (1). Gustav Koehler oppose non sans raison sa dfinition aux dfinitions Ђ la franaise ї. La sienne, dit-il, est objective. Elle l'amnera, dans la suite de son tude, considrer comme crivains du dandysme Benjamin Constant, Mme de Stal et tous les parnassiens !
Assurment, en dehors du dandysme il y eut des dandys Ђde natureї. Par exception, chez eux, chez Catilina et Alcibiade, le comportement dandy fut conditionn par une personnalit dandy. Peut-tre un jour la psychologie dcouvrira-t-elle la clef unique de ces caractres tranges chez qui le comportement atteint sans effort ce que d'autres hommes travaillent acqurir par une volont constante et une difficile domination de soi.
(1) Gustav Koehler Ч Der Dandusmus im Franzsischen Roman les -Y.Y Jahr-Itunderts Ч Halle a S. Ч Verlag von Max Niemayer 1911 Ч lieilieflc mr Zeit-schrift fiir Romanische Philologie Ч XXXIII left. p. 18.
Mais si, au dix-neuvime sicle, des hommes de personnalits trs diverses rglrent leur conduite sur celle de pareils modles, les raisons qui les y dterminrent relvent du cas d'espce. Une chose est sre, elles ne sont pas exclusivement d'ordre psychologique : l'atmosphre d'une poque, l'orientation de, la sensibilit, du got, les conventions de la morale mme y ont leur part. Car les modles dandys n'ont pas manqu l'humanit, ils sont le plus souvent passs inaperus. Qui s'avisa, leur poque, du ct dandy de Richelieu ou de Lauzun ? De celui-ci, Saint-Simon rapporte pourtant le mange avec la Grande Mademoiselle, perdment prise de sa froide lgance, et qu'il pirouetta sur la main d'une duchesse, enfonant son talon dans sa chair, pour la punir'd'avoir usurp certaine prђsance. Non, comme le dit excellemment Baldensperger, Ђ une poque littraire, lorsqu'elle dcouvre et qu'elle ї annexe des ides... ne gote et ne retient vraiment que ї les lments dont elle porte, par suite de sa propre ї volution organique, l'intuition et le dsir en elle-ї mme ї (1). Nous reviendrons bientt, pour la prciser, sur la diffrence qui spare dandys de nature et adeptes du dandysme.
Ainsi constate l'insurmontable difficult qu'il y aurait ¤ constituer une thorie Ђ a priori ї du dandysme, force nous est de choisir la mthode empirique et de procder par induction partir du sens commun. Si l'on cherche les rgles du comportement dandy, on en trouve d'assez nombreuses, mais elles n'ont pas toutes la mme importance logique, certaines tant la consquence des autres. Nous en avons retenu trois.
REGLE PREMIERE Ч Feindre d'accorder une importance insolite ses gestes, ses dmarches, son maintien, font ce qui caractrise l'apparence de l'indvide.
Ernest Seillire, nous l'avons vu, identifie dandysme et culte romantique du moi. Ayant cru dcouvrir que le dandysme n'est qu'une forme de Vgotisme, il donne prcisment un malheureux exemple du danger des conceptions Ђ a priori ї, si ingnieuses soient-elles, en matire de dandysme. Une anecdote suffira dtruire celle-ci. Nestor Roqueplan Ђ qui n'tait dou que pour l'art de vivre ї, aussi parfait dandy qu'on peut l'tre, avait imagin de servir, l'occasion d'un de ces dners intimes qu'il organisait dans le luxe de l'ancien Htel Choiseul, du boudin rustique comme on n'en trouvait plus Paris. A cette intention, il avait achet un cochon pour lequel on btit une niche dans la cour de l'Opra. Mais le cur lui manqua pour le faire gorger. Le cochon finit ses jours Ђ dans une maison de campagne qu'il lui avait fait meubler, avec une liste civile raisonnable et vin laquais pour le servir ї (1). Qu'on nous permette de souhaiter que l'gotisme ainsi compris s'tende toute l'humanit ! En vrit, les dandys ne sont pas persuads de l'importance de leur moi. (Une telle conviction ne pourrait se concilier avec leur parti pris d'ironie). Mais tous agissent comme s'ils l'taient. On aperoit ici encore l'attention qu'il convient d'accorder, dans ce problme, la sparation rigoureuse des formes extrieures et de la personnalit.
D'ailleurs, le sentiment intime de l'importance personnelle est trop gnreusement partag parmi les hommes pour servir caractriser certains d'entre eux. La plupart des morales se consacrent l'affaiblir et, en tous cas, en attnuer les effets sociaux perturbateurs. Ce qui distingue le dandy, c'est le rejet de ce frein et l'accentuation des attitudes qu'il prtend combattre. A cette manifestation inaccoutume d'un sentiment rprouv, ce dfi spectaculaire ne correspond pas un gocentrisme authentique. Plus souvent qu'une force vritable, l'expression dclare d'un tat d'esprit que la plupart dissimulent n'indique-t-elle, pas sa faiblesse et sa relle innocuit ?
Observons en outre que si les individus sont peu nom-
(1) F. Baldensperger Ч Goelhc en France Ч Paris Ч Hachette 1001 Ч p. !i.
(1) Lucien Franois Ч Le dandy Ч Journal Ђ Combat ї du 11 fvrier 1953.
breux qui dlibrment assument les apparences du culte du moi, le dandy cependant n'est pas seul le faire. Car le secret de ce que le thtre nomme la Ђ prsence ї d'un acteur rside galement dans le poids qu'il confre son geste et sa parole, dans la concentration du maintien qui font partager par le spectateur la fiction d'une prminence de l'artiste. Ernest Seillire, confondant l'apparence et la ralit, nous a dcrit le dandy tout occup Ђ faonner le galbe parfait ї de son moi. Il est plutt un comdien qui s'ingnie donner le spectacle, d'une telle proccupation.
REGLE DEUXIEME Ч En socit, heurter les valeurs reenes, sans jamais rompre avec elles.
La premire rgle ne suffit pas crer un dandy; nous verrons plus loin d'autres comportements qui sont compatibles avec elle. La deuxime rgle la complte en indiquant les modalits et aussi les limites que le dandy va lui assigner. En accordant, comme le veut la rgle prcdente, une importance insolite ses dmarches, le dandy se doit de postuler pour elles une indpendance absolue. Ds le dpart, il entrera donc en conflit avec les valeurs tablies par la collectivit. Celles-ci ne supposent-elles pas, en effet, que l'individu consente donner ses actes une importance moindre que celle des principes extrieurs auxquels il accepte de les subordonner ? Ce conflit, le dandy se doit de l'entretenir et mme de le provoquer. Car plutt qu'une consquence de sa conduite, il est la preuve dont il lui faut appuyer publiquement la feinte que formule expressment la rgle premire.
Mais le dandy doit garder le contrle de la crise qu'il suscite. Une rupture avec la socit ne saurait tre envisage. Elle seule peut dispenser l'acteur cette preuve d'amour qu'il appelle en prtendant la fuir : l'admiration inconditionnelle d'un parterre. Aussi, le jeu de l'insolence et de l'affectation ne s'alimente-t-il pas d'une irrductible hostilit, et ce serait tomber dans le travers que nous dnonons constamment que de faire correspondre forcment ce comportement de rebelle une personnalit rvolte. Certes, le dandysme compta comme adeptes bien des esprits marqus par la rvolte romantique. Mais il en eut d'autres, et parmi les plus orthodoxes, qui chappaient ce tournant. D'ailleurs, celte tension constante entre le dandy et son entourage est la cause de l'tourdissant succs que les mondains lui ont rserv. Impertinent sans tre mufle, original sans extravagance, faux isol, solitaire de parade, le dandy se soumet aux valeurs communes fondamentales et n'est dcidment pas cet goste mystique que nous prsente Seillire.
REGLE TROISIEME Ч S'efforcer l'impassibilit.
Ce dernier commandement a pour but essentiel de dfendre le dandy contre les actes hostiles. Il parat invitable, en effet, que la provocation contenue dans les deux rgles prcdentes suscite des incidents. Dans ces occasions, le recours l'impassibilit est un moyen sr, pour le dandy, de protger son prestige menac.
Ceux qui ont voulu expliquer le dandysme en termes de personnalit ont parl d'insensibilit. Assurment, l'impassibilit du maintien correspond normalement une sensibilit rduite. Le dandy Ђ de nature ї en fournit un exemple. Mais l'autre, le vrai dandy, spcule sur cette relation psychologique habituelle pour induire en erreur, pour Ђ bluffer ї son entourage. Protg par son impassibilit comme Achille par l'eau du Styx, il peut narguer le scandale et dcourager ceux qui jalousent son succs. Comment ses ennemis pourraient-ils esprer l'emporter sur cet tre apparemment invulnrable et que ni la critique ni l'invective ne semblent branler un instant ? Au contraire, l'extraordinaire sang-froid du personnage leur fait redouter qu'il retourne contre eux les flches qui lui sont destines. Aussi, entre dandy et mondain, l'issue d'un ventuel combat ne semble-t-il pas faire de doute.
Pourtant, l'impassibilit est plus qu'une dfense car le dandy l'utilise aussi comme un signe de supriorit. On a parfois considr le dandysme comme une raction aristocratique conscutive la Rvolution franaise (1). Cette explication, cependant, est mise en dfaut par le dandysme anglais dont l'origine, rigoureusement autochtone, ne. peut tre attribue un bouleversement social. Mais une chose est certaine : la froide rserve du dandy tablit Ч avec plus de force encore car elle s'adresse la socit toute entire Ч une barrire semblable celle par laquelle l'Ancien Rgime sparait nobles et roturiers. Reportons plus tard l'examen des diffrents plans sur lesquels les dandys ont revendiqu leur supriorit; ils ont vari comme le dandysme lui-mme.
Nous voici donc en possession de trois rgles empiriques du comportement dandy. Si l'on se rfre aux dfinitions diverses que nous avons recueillies prcdemment, on s'apercevra qu'elles s'en accommodent sans peine. Pourtant, ceux qui tendent avec Seillire identifier les dandys aux dandys Ђ de nature ї, ou encore parlent avec Boulenger d'un Ђ snobisme invers ї nous reprocheront d'enserrer trop vaguement les notions qu'ils ont eux-mmes construites, rclamant que nos rgles se fassent plus nombreuses et plus restrictives. Certains trouveront insuffisant, par exemple, de faire agir les dandys comme s'ils avaient le culte du moi, de leur prescrire l'impassibilit comme une manifestation trompeuse d'insensibilit; ils les voudront vritablement insensibles et dirigs par le culte du moi. Par ceux-l, nos rgles seront acceptes comme des conditions ncessaires mais non pas suffisantes. Cependant, s'il fallait suivre l'un d'eux, on renon.
( 1 ) —√. notamment Ђ lier moderne Dandy Ч Ein Kullur problem ili'.s XIX .fahrhnndarl.s ї (Philosophische Forscliungen Ч Berlin Ч Springer 11)25 Ч p. 13) on Otto Mann crit : Ђ Le dandysme se prsente comme une raction contre la dissolution de la socit de la part d'individus orients vers l'esthtique. Li aux formes sociales et appuy sur elles, il suppose comme condition essentielle une conception de la socit fonde sur le sentiment de la dignit et une attitude de l'individu devant cette socit qui, mme au moment de sa dissolution, reste oprante ї.
ccrait i accueillir les conceptions des autres et, du mme coup, i constituer cette dfinition de sens commun que nous cherchons.
Mais les rgles que nous proposons caractrisent-elles exclusivement le dandysme et ne s'appliquent-elles pas aussi bien d'autres attitudes qui lui sont proches ? En un mot, et du point de vue du sens commun cette fois, peut-on les considrer comme Ђ conditions suffisantes ї ? Nous ne disposons, pour le dmontrer, que d'un seul moyen : envisager les comportements les plus voisins du dandysme mais que le sens commun spare nettement de lui et nous assurer de ce qu'aucun d'eux ne. vrifie simultanment les trois lois en question.
Commenons par le snob dont nous avons vu Jacques Roulenger souligner la parent avec le dandy. Non content d'agir comme s'il avait le culte du moi, il en est positivement possds Rien, dans l'univers de l'esprit et du cur, qui ne soit ramen, par ce pauvre temprament, au centre prcieux de sa personne. Il s'identifierait presque au dandy Ђ de nature ї s'il disposait d'un courage suffisant pour avoir en socit la mme insolente fiert. Mais au contraire, loin de bousculer la biensance, il s'y conforme jusqu'au mimtisme. Et son impassibilit n'est que l'expression du mpris timor dont il accable ceux qui ne partagent pas ses superstitions.
Mais c'est entre le dandy et deux types romantiques bien connus, le bousingot et le Don Juan que l'analogie est la plus marque. Ayant en commun, des degrs divers, les manifestations du culte du moi, ce sont les deux dernires rgles qui les sparent. Si le bousingot et le Don Juan byronicn enfreignent volontiers les conventions sociales, ils n'y apportent pas les mmes prcautions que le dandy; n'ayant cure de garder contact avec la socit, chacun sa manire n'hsite pas lui signifier l'ampleur de son mpris. Le bousingot, homme de cnacle pour lequel le monde se rsume tout entier dans l'gosmc et la btise du bourgeois, le Don Juan rvolt et anarchique, n'ont pas du succs la mme conception que le dandy. Les deux premiers se satisfont de l'indignation qu'ils provoquent, le troisime attend une toute autre rcompense. Mais sous le chapitre de l'impassibilit, bousingot et Don Juan se sparent. Seul le second, solitaire irrductible, semble se conformer parfois la troisime rgle des dandys. L'autre, enivr de la sainte exaltation des runions d'initis, s'en dtourne compltement. Pourtant, l'assimilation ne peut tre faite entre volont d'impassibilit du dandy et dsinvolture du sducteur: une hypocrite tendresse n'est-elle pas ncessaire pour prendre au pige les victimes crdules qu'un ricanement diabolique prcipitera dans le dsespoir? Mais il reste que le Don Juan s'apparente au dandy mieux que n'importe quel autre personnage et suffisamment pour qu'on puisse parfois les confondre.
Nous ne nous tendrons pas davantage sur ces dmonstrations. Puissent-elles persuader que les rgles et les caractres que nous avons assigns au dandysme et ses adeptes sont assez larges pour comprendre toutes les forђmes du phnomne et assez prcises pour carter de striles gnralisations. Souvent, la littrature critique utilise la notion de dandysme sans en tracer avec soin les limites. N'y a-t-elle pas inscrit Flaubert cause de son fatalisme et de son insociabilit, Barrs pour son affectation de nihilisme, Robert Greslou (le Disciple de Bourget) pour sa nave ambition intellectuelle? Loin de nous surprendre, ceci doit nous convaincre que toute tentative d'introduire la personnalit pour critre du dandysme doit affronter une alternative dont les deux termes sont galement dcevants : ou bien construire un modle auquel ressemblent seuls ceux que nous appelons les dandijs Ђ de nature ї, ou bien rduire de vagues formules Ч sans richesse parce que n'impliquant pas de caractres bien dfinis Ч une psychologie que l'on voudrait typique.
Dans l'un et l'autre cas, le dandysme perd une grande partie de l'intrt qu'il prsente incontestablement pour l'histoire des murs. D'ailleurs, le rle de premier plan qui lui fut dvolu par plusieurs gnrations successives en font une notion de rfrence particulirement commode, condition que lui soit conserve la signification qu'elles lui avaient attribue.. Certes, la vision claire de ce qu'tait le dandysme et sa philosophie fut rserve, chaque poque, quelques esprits particulirement pntrants. Mais les autres adeptes n'en eurent pas, pour autant, une ide moins prcise, quoique plus explicite et d'ordre exprimental. Aussi serait-il dangereux de considrer le dandysme comme nue notion vague, susceptible d'tre perfectionne en sens divers et de servir, comme tant d'autres, des spculations d'ordre gnral.
Le dandysme compris comme un pur comportement est seul compatible avec l'image totale d'une aventure sociale reconnue et chronologiquement limite. Doctrine portant sur l'apparence, ses rgles, comme le protocole diplomatique ou la courtoisie mondaine, protgent de leur fallacieuse rigidit ceux qui les observent. Il serait vain de vouloir interprter par une psychologie-type, ce pur jeu dont les rgles tranges font de Tbomme un partenaire seul contre tous, mais un partenaire que rien ne force engager sa libert spirituelle ni sa rceptivit esthtique. Et pour cela parlons-nous d'une physiologie du dandysme.
ј так же :
“руд и чувство собственности (по роману ћ. Ўолохова
Уѕодн¤та¤ целинаФ).
–оман Уѕодн¤та¤ целинаФ Ч одно из самых лучших произведений ћихаила јлександровича Ўолохова. ѕисатель рассказывает о том, как происходил процесс коллективизации в двадцатые годы по всей стране. Ќа первом плане в романе Уѕодн¤та¤ целинаФ мы видим коммунистов, которые агитируют кресть¤н вступить в колхоз.
—оветы педагога родителю
‘еоктистова “. √. ак надо вести себ¤ родител¤м с ребенком, который что-то вз¤л или берет без спросу: Ц Ќе бушевать и не выплескивать лавину отрицательных эмоций. Ц Ќе объ¤вл¤ть о чрезвычайном положении в семье, а постаратьс¤ успокоитьс¤ и отыскать возможную причину воровства, как бы надежно она ни была бы скрыта.
—качать actual reminder 3.0 crack. Crack actual reminder 3.0 crack. рак actual ...
“айна пшеничного зерна
“арасов ‘. Ѕ. Ќа рубеже XX и XXI столетий все yже сжимаетс¤ круг книг, которые берутс¤ человеком в руки, но ƒостоевский остаетс¤ во всем мире одним из самых читаемых писателей, а его произведени¤, в частности, "Ѕрать¤ арамазовы", вход¤т как значимые событи¤ в жизни все новых и новых поколений читателей.